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Calimero Parabellum

La police et les arabes, une autre histoire d'amour

30 Octobre 2019 , Rédigé par Samy Baaroun Publié dans #Société, #Politique, #Racisme, #Esthétique, #France

La police et les arabes, une autre histoire d'amour

"J’ai un oncle qu’est mort d’une balle dans le crâne. De deux même, mais la première l’a tué sur le coup. C’est un flic qui était de l’autre côté du canon. Ma mère m’a jamais parlé de cette histoire, je l’ai découvert tout seul. Secret de famille. Il avait 17 ans. Il était dans une voiture, avec ses potes. A l’avant, côté passager. Les flics les ont contrôlés. Ils ont présenté leur papier. Et il a pris deux balles. Le flic a dit au juge que le coup était parti tout seul. Deux balles. Parties toutes seules. Deux fois. Sans faire exprès. Dix mois de prisons dont quatre avec sursis. Sursis, ça veut dire que tu les fais pas. Quatre mois qu'il a pas fait. Les six mois autres, c’est ceux qu’il avait tapé en préventive, avant le procès. Il est ressorti libre du tribunal. J’ai toujours connu ma mère avec un truc dans le regard, un truc en moins, un peu de vie qui s’était échappé. J’ai compris que c’était le fantôme de son frère qui lui bouffait le fond de la rétine. Alors je me suis intéressé à la passion de la police française pour les arabes, une longue histoire d’amour. En France on aime bien les histoires d’amour, mais celle-là on la raconte jamais. Si on devait le faire, ça serait difficile de dater le début de la passion. Ca nous emmènerait trop loin. Admettons 1971, parce qu'il faut une date de naissance, pour être plus fleur bleue. 1971, à Ivry, Hadj Bekar Rekala, abattu de trois balles et d'une série de coups de pelle dans la cour de l’usine Coplait. Ou à Chatenay-Malabry avec Mustapha Boukhezzer, à terre et sans arme après une tentative de braquage, mort de sept balles dans le dos par le courageux brigadier Marchaudon qui en était pas à son premier bougnoule, vu qu’il en avait déjà zigouillé un dans le métro, une balle, dans le dos toujours, non-lieu la première fois, sursis la seconde. Ca, ça serait que pour débuter. Ensuite on parlerait de Mohamed Diab mort d'une rafale de mitraillette dans le commissariat de Versailles en 1972 après les insultes et les mandales. C’était le clou du spectacle la rafale. Non-lieu. Abdallaoui Abdelmajil en 1977, à Marseille. Il tient un couteau. Cinq flics l’encerclent. Il crève de trois balles à bout portant. C’est beau. On dirait du Shakespeare. Mon oncle lui, il est mort en 1980. C’était pas mal non plus les années 80. Yasid Naili par exemple, il se fait surprendre en plein cambriolage, une balle dans la tête. Sans suite. Ou Abdelkader Ghrib, 16 ans, il essaie de se cacher dans une cave de la cité après avoir volé une voiture. Le commissaire qui le course ponctue la poursuite d'une cartouche en pleine tête. Abdellah Ainine à Nîmes, écrasé par un train parce qu’il essayait de fuir une bande de militaires qui voulaient le ratonner. Bruno Zerbib, 17 ans, tué par un gardien de la paix à la carabine à lunette qui le trouvait un peu trop près de son scooter. Deux ans de prison dont 15 mois avec sursis, c'est à dire neuf mois couverts par la détention provisoire. Nasser Koussouri s’embrouille avec un automobiliste, passe-temps français s’il en est. L’inspecteur Ducasse  l'estime pas très digne de ce passe-temps et lui fait savoir d'une balle dans le dos. Six mois avec sursis. Mahmoud Sharouf voit un ami à Marseille, il court vers lui. Un peu trop vite selon quatre CRS qui l’interceptent et le tabassent. Il meurt de ses blessures à l’hôpital. Un CRS condamné, six mois de sursis pour non-assistance à personne en danger. Nasser Mraidi roule sans casque sur sa mobylette. Trois flics le chassent, une balle dans la tête. Un an avec sursis. Abdelkader Aouimer 18 ans essaie de rentrer sans payer dans un cinéma. Il échoue et se sauve. Les flics le chassent. Une balle dans l’omoplate. Il est écroué. Ecroué pour un film. Sans suite pour les flics. Un soir d’ennui, le flic Besnard lâche son chien sur un jeune aux Minguettes. Toumi Djaidja s’interpose. Une balle dans le ventre. Sans suite. Medjahri Hadj, 20 ans, tente de s’enfuir menottes aux poignets pendant son transfert judiciaire. Une balle dans le coeur. Sans suite. Mohamed Abdelali, 21 ans, menace un flic avec un bout de verre place de la Madeleine. Une balle dans le coeur. Laïd Khanfar, 21 ans, prend le train sans billet. Il tente de fuir le contrôle des douaniers. Mort d’une balle dans la tête. Cinq ans avec sursis. Une troupe de flicards cherche des bijoux volés chez Ouerdia Aoudache, mère de onze enfants. Tabassée et gazée pendant sa garde à vue, elle meurt à l’hôpital. Les économies de la famille disparaissent pendant la perquisition. Les bijoux retrouvés n’ont rien à voir avec un cambriolage. Sans suite. Sélim Mazari démarre un peu trop sèchement de la station essence où il vient de faire le plein. Un flic tire. Il meurt sur le coup d’une balle dans le dos. Là je suis qu’en 1984, et je me souviens pas de tout. Mais y’a une histoire qui me touche plus que les autres, c’est en 1988, une Chantal Kasperszac porte plainte au commissariat pour un vol de scooter en déclarant Je vais me faire une cité de ratons. Elle choisit au hasard la Renardière à Noisy le sec. Elle y va avec Laffage, son pote flic, et trois voitures pleines de leurs amis. Les insultes pleuvent entre les jeunes et eux. Laffage tire. Une première fois sur ceux qui observent à la fenêtre, une seconde sur les jeunes. Le premier tir atteint la petite Malika Moulai, 13 ans. Elle meurt sur le coup touchée à la tête. Les témoins se présentent au commissariat. Ils sont gardés à vue 24 heures, menottés, sans nourriture. Laffage est inculpé d’homicide involontaire. Deux ans avec sursis. Sursis, ça veut dire que tu les fais pas. C'est un truc écrit. Une peine de prison pour de faux, sur un bout de papier. La petite Malika, elle, elle a pas crevé sur un bout de papier. Sa tombe, elle est dure et froide. Fils de putes d'années 80. C’est dans ce temps-là aussi que les flics sous-traitaient la chasse aux crouilles aux bandes de skins. Nous on se tapait avec les skins sur Paris. Les flics nous embarquaient. Ils relâchaient les crânes rasés au coin de la rue, et nous on finissait en garde à vue à se faire massacrer à coup de bottins contre le radiateur. J’ai vu deux commissariats à Paris où y’avait la photo de Le Pen à la place de Mitterrand. Tout ça, je le raconte jamais parce que ça ferait que envenimer les choses. Tout le monde a oublié. C’est comme ça, on peut rien y faire. On sera toujours les ratons, les fellaghas qu’il faut chasser, éradiquer. Avec des balles, avec des lois. Faut faire avec, pas le temps de pleurnicher si on veut s’en sortir. Ce qui est triste en vérité, c’est qu’entre cité, entre fils d’immigrés, on a fini par se bouffer les uns les autres. C'est nous maintenant les sous-traitants. On se tire dessus entre nous, on s’entretue. On a assimilé l’essentiel : fumer ce qui est pas de la bonne couleur. Vive la France."

 

Extrait de HALL 3, Monologue de Mouchoir

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M
Bonsoir, <br /> Je souhaite vous remercier pour votre article qui parle de ma Tante.<br /> Merci infiniment pour votre pensée et de reconter son histoire.<br /> Ça me touche énormément de voir qu'il y a des personnes qui l'on toujours dans un coin de leur tête, de leur coeur et qui écrivent des articles à son sujet et au sujet de sa mort tragique.<br /> J'espère vous relire bientôt.<br /> Je vous laisse ma boite mail moulai.malika88@gmail.com<br /> À très bientôt <br /> Malika (je ne suis pas un ???? fantôme je suis réel et je m'appelle bien Malika ce n'est pas un pseudo j'ai hérité du prénom de ma tante vu que je suis née quelque jours après son déces )????
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M
Bonsoir, <br /> Je souhaite vous remercier pour votre article qui parle de ma Tante.<br /> Merci infiniment pour votre pensée et de reconter son histoire.<br /> Ça me touche énormément de voir qu'il y a des personnes qui l'on toujours dans un coin de leur tête, de leur coeur et qui écrivent des articles à son sujet et au sujet de sa mort tragique.<br /> J'espère vous relire bientôt.<br /> Je vous laisse ma boite mail moulai.malika88@gmail.com<br /> À très bientôt <br /> Malika (je ne suis pas un ???? fantôme je suis réel et je m'appelle bien Malika ce n'est pas un pseudo j'ai hérité du prénom de ma tante vu que je suis née quelque jours après son déces )????
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